Famille Corneille

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Les Corneille sont une famille protestante hollandaise dont deux membres habitent en Provence au XVIIe siècle et apparaissent dans le registre du pasteur Bouer, pour la communauté du Luc. Il s’agit du père et du fils, porteurs du même prénom, Rodolphe ; les historiens ont souvent considéré que le patronyme était Gédéon, le prénom Rodolphe, et le surnom Corneille. La confusion est alimentée par les sources même. En effet, le fils signait tantôt Rodolphe Gédéon, tantôt Corneille Rodolphe. Ainsi, on trouve « Rodolphe Corneille, fils de Rodolphe Gédéon Corneille », « Rodolphe Gédéon architecte naval », ou encore « Rodolphe Gédéon dit Corneille ».

J’ai retenu Corneille comme patronyme pour plusieurs raisons. C’est un patronyme courant aux Pays-Bas et on le retrouve dans les archives de la ville d’Amsterdam dès la fin du XVIe siècle. De plus, les registres des Églises protestantes de Dublin en font aussi mention comme patronyme. Dans l’acte de mariage de Jean Corneille, il est stipulé qu’il est le fils de Rodolphe Corneille. Gédéon est sans doute un surnom, peut-être commun au père et au fils. On trouve aussi dans le English army lists and commission registers, 1661-1714, par Charles Daltonla mention de Rodolphe Corneille. Je parlerai donc de Rodolphe père et Rodolphe fils.

Le registre protestant du Luc mentionne Rodolphe, fils de Rodolphe Gédéon et d’Anne. La famille serait originaire de Denis dans les Flandres.

Tous deux étaient des ingénieurs charpentiers pour les vaisseaux du roi. Le père aurait quitté son pays en 1645, pour venir exercer ses talents à Toulon pour la Marine royale. Il y a construit ou conçu un grand nombre de navires dont voici la liste : La Reine (1647), Beaufort Class (1660), Le Saint Philippe (1661), Le Jules (1661), Le Beaufort (1662), Le Mercœur (1662), Le Dauphin (1664), Le Provençal (1667), Le Florissant (1667), Le Royal Louis [1] (1668), Royale Thérèse (1668), Le Magnanime (1670), Le Joli (1670), Le Rubis (1670), Le Furieux (1671). 

Selon l’intendant La Guette, il s’agissait alors du « meilleur bâtisseur de vaisseaux au monde » [2]. Cela explique pourquoi il aurait été payé deux fois plus que ses homologues provençaux [3]. Il s’éteindra à Toulon, le 26 octobre 1673 à l’âge de 67 ans ; il sera inhumé au Luc le lendemain.

Son fils Rodolphe était ingénieur du roi dans la Marine royale, mais il n’a pas eu la même renommée professionnelle que son père. Il serait né à Medemblick, dans le nord de la Hollande.

Il apparaît dans le registre du pasteur Bouer car il est parrain à plusieurs reprises :
– Le 3 septembre 1673, de Marguerite Galdy, fille de Pierre, maître menuisier de Solliès, et d’Anne Gras. Mais il est absent ce jour-là et se fait représenter par un Hollandais du nom d’Henri Bernard.
– Le 29 novembre 1673, de Jean Henri Bernard, fils d’Henri, tonnelier hollandais, habitant Toulon, et de Madeleine Geoffroy.
– Le 29 novembre 1674, d’André Meissonnier, fils de Joseph, marchand de Solliès, et de Marguerite Audiffred.
– Le 11 octobre 1677, Jeanne Seguin, fille de Daniel, de Velaux, habitant Toulon, et de Françoise Menier de Velaux.

Le 2 janvier 1674, il se marie au Luc avec Jeanne Augier, d’Orange, fille de feu Sr Jean et de Susanne Bernard. Ils auront un fils Jean, qui épousera Jeanne Charlotte Ravenel à Dublin le 20 février 1710. Le couple aura un fils, Barthélémy né le 14 février 1712 à Dublin.

Le philosophe anglais John Locke a séjourné en France de 1675 à 1679, notamment dans le sud. Il a fréquenté le milieu protestant et en particulier Rodolphe fils, qui était un ami de la famille Solicoffre [4] à Marseille. À la Révocation, il aurait regagné la Hollande. En 1688, il est membre de l’Église hollandaise de Nimègue [5], puis naturalisé à Londres, le 4 mai 1699. Il a poursuivi sa carrière dans la Marine et a été capitaine dans les Royal Engineers (second ingénieur en 1692). En 1710, il assiste au mariage de son fils Jean, à Dublin.

Pour aller plus loin :
Huguenot Pedigrees, par Charles E. Lart, vol 1, London, 1924-1925
Registres des Églises protestantes de France à Dublin, publiés par la Huguenot Society of London, 1893
English army lists and commission registers, 1661- 1714, vol.4, Charles Dalton
John Locke, Carnet de voyage à Montpellier et dans le sud de la France (1676-1679)
Paul Chack, Marins à la batailleDes origines au XVIIIe siècle.
Circulation des techniques de construction navale du Moyen Âge à l’épave de la Jeanne Élisabeth (1755), Eric Rieth
Le témoignage de John Locke sur la situation du protestantisme français à la veille de la Révocation (1676-1679), par Jacques Proust, in Bull. SHPF, vol 151 (janv- fev- mars 2005)
Site d’histoire de la marine : https://troisponts.net/2011/09/09/le-royal-louis-de-1668/
Three Decks, site consacré à l’histoire navale (pour la recherche entrer « Gédéon » comme patronyme)
Archives de Nimègue
Archives des Pays Bas


[1] . Famille protestante de négociants suisses originaires de Saint-Gall, installée à Marseille.
[2] . Archives régionales de Nimègue, Commune wallonne de Nimègue, n°12, Registre des députés de la Commune wallonne réformée de Nimègue.
[3] . Le Royal Louis est le premier navire d’une série de 6 bateaux de premier rang de la Marine française, servant de vaisseau amiral à la flotte du Levant basée à Toulon.
[4] . Grégoire Gasser, Dictionnaire d’Histoire maritime, sous la direction de Michel Vergé-Franceschi, collection Bouquins, éditions Robert Laffont, 2002.
[5] . Éric Rieth, Circulation des techniques de construction navale du Moyen Âge à l’épave de la Jeanne Élisabeth (1755).