Les abjurations collectives de Cadenet

L’abjuration massive qui a eu lieu à Cadenet  comprend les habitants de Cadenet et ceux de Puyvert.

Elle s’étale entre le 21 et le 28 octobre. Mais la majorité des habitants de Cadenet abjurent le 21 et ceux de Puyvert, le 22. Puis, quelques retardataires ou étrangers au village le font dans les jours suivants.

Les habitants abjurent dans l’église du village, devant le vicaire perpétuel Joseph Gautier, à l’exception d’une mère et sa fille, malades, qui le font chez elles ; il s’agit de Marie Recend et sa mère,  Isabeau Poucel.

L’abjuration de Cadenet présente une particularité : elle a  été enregistrée chez deux notaires, Mes Dunès et Roland, agissant conjointement. L’acte est donc enregistré dans les deux études. Les deux versions sont identiques, même si on note quelques différences dues sans doute à des erreurs de greffe. Ainsi par exemple, le cahier Roland donne 3 enfants à Philippe Savournin, le troisième étant prénommé Jaume, alors que la version Dunès n’en compte que deux.  Par contre, la version Roland omet Jean Meynard. Cela ne change rien au total numérique. Quant aux signatures, elles sont identiques dans les deux versions à l’exception de celle d’Isabeau Bernard, manquante dans le cahier Roland. On retiendra la signature, dans les deux cahiers, du nommé Sambuc, qui tient à expliquer son graphisme maladroit : «  la signature que j’ai faite sy dessus n’est pas à l’ordinaire, attandu l’indisposition de ma vue ».

Les témoins sont essentiellement des notables et des ecclésiastiques auxquels viennent s’adjoindre deux nouveaux convertis, Jean Aubin et Aguitton.

Mention est faite des absents, ce qui atteste d’un étroit contrôle des protestants du lieu. Il manque 6 personnes. Parfois la raison de l’absence est indiquée et accompagnée d’une promesse des proches  s’engageant à les faire abjurer dans les jours qui viennent. C’est ainsi que Daniel Derres,  âgé de 14 ans  devra abjurer dans les 3 jours, son père s’y engage. Il le fera effectivement en date  du 23, à Cadenet. C’est aussi le cas de Noël Bernard. Jean Ginoux et son épouse Madeleine Bernard n’abjurent pas en raison de leur maladie. Madeleine abjurera le lendemain en compagnie de sa belle-mère, mais aucune trace de l’acte de son mari. André Estienne, qui n’a pu franchir la Durance pour cause d’inondations, viendra le lendemain se mettre en règle. On apprend aussi que Pierre Sambuc, absent,  est allé abjurer à Aix ; c’est exact, il abjure à Aix le 22 dans la cathédrale Saint-Sauveur entre les mains du curé Blégier.

Un recoupement avec d’autres sources permet de trouver dans cette liste d’abjurants, Salomon Poucel,  accompagné de son frère Jean et de sa servante. Il est le fils de Marie Recend qui abjure chez elle avec sa fille pour cause de maladie. Nous savons qu’il a été ministre protestant jusqu’en 1675, son frère Jean était maître chirurgien.

Quantitativement parlant, en croisant les données avec le dénombrement de Cadenet de 1682 et en négligeant les mouvements de population entre ces deux dates, il apparaît que pratiquement toute la population protestante de Cadenet est passée au catholicisme en ce mois d’octobre 1685. Cela s’est fait très rapidement et cette envolée suit le mouvement général.  On notera que les autorités surveillent cela de près, tiennent une comptabilité des absents et les témoins sont essentiellement des notables et des ecclésiastiques ce qui renforce la solennité de l’acte.